Les quatre kilomètres de plage d’Anglet s’étirent entre les dernières dunes de la côte atlantique et les premiers contreforts de la chaîne des Pyrénées. C’est la roche de ces montagnes, d’abord fragilisée par l’érosion, puis transportée depuis les sommets jusqu’à l’Adour qui, s’effritant peu à peu, en a formé le sable.
Un littoral, comme tant d’autres, où s’est écrite l’histoire du vivant. Car c’est à ce point de jonction entre milieux aquatiques et terrestres que s’est diversifiée la vie, il y a quelques milliards d’années.
Sur ce linéaire de côte, battu par les vents et les vagues, les humains ont combattu pour enraciner l’essentiel de leurs activités : planter des forêts pour stabiliser et assainir les zones humides ; les exploiter pour l’architecture navale, en vue de conquérir de nouveaux territoires et de chasser la baleine jusqu’à la faire disparaître de ces eaux au cours du XVIe siècle ; endiguer l’embouchure de l’Adour pour la fixer et y bâtir un port en eaux profondes dédié à l’exportation ; bétonner les sols pour atteindre les standards d’une agglomération balnéaire en plein essor ; assembler des brise-lames enfin et rabattre chaque jour du sable depuis le large, pour maintenir coûte que coûte ces plages nécessaires aux activités touristiques.
Au terme de cette longue histoire, quatre kilomètres d’écosystème profondément transformé qui, malgré l’apparente et omniprésente puissance de l’océan, projettent milieux, espèces et espaces dans un avenir incertain.
Dans ce parcours artistique, j’ai voulu composer un poème sensoriel sur la diversité des formes de vie, raviver l’attention à la beauté, à la complexité du milieu côtier et à la nécessité d’inventer de nouveaux territoires partagés avec le vivant.
Douze œuvres comme déposées par les vagues le long du littoral se mêlent à douze points d’observation de particularités biologiques, géologiques et systémiques, créant un dialogue et un trouble entre œuvres de culture et de nature.
Au fil de l’eau, les artistes ont imaginé des formes évanescentes, contemplatives, surprenantes qui réagissent aux spécificités du littoral, à son histoire, à ses ressources et aux richesses de son écosystème. Elles côtoient le vivant agile et résilient qui se maintient à flanc de falaise : lys des sables, protégé, enraciné sur des friches en front de mer rendues inconstructibles, rares chiroptères qui nichent encore parfois dans la grotte de la Chambre d’Amour et nuées de vanneaux huppés qui s’arrêtent pour la nuit dans les eaux saumâtres du parc écologique Izadia.
Le littoral d’Anglet devient, le temps de la biennale, le décor à la fois naturel et fictif d’une odyssée dans les méandres du vivant, où s’esquisse le grand cycle de la matière et de sa métamorphose.
Lauranne Germond – COAL
Commissaire de l’exposition